Face à la multiplication des risques climatiques et économiques, l’assurance multirisque agricole s’impose comme un dispositif fondamental pour la pérennité des exploitations agricoles. Cette protection spécifique, adaptée aux réalités du monde agricole, permet aux agriculteurs de sécuriser leur activité contre les aléas naturels, sanitaires et économiques qui menacent régulièrement leurs productions. Au-delà d’une simple couverture, elle constitue un véritable outil de gestion des risques qui s’intègre dans une stratégie globale de développement durable des exploitations. Alors que le changement climatique intensifie la fréquence et la gravité des sinistres, comprendre les mécanismes, avantages et limites de cette assurance devient primordial pour tout professionnel du secteur.
Fondements et évolution de l’assurance multirisque agricole
L’assurance multirisque agricole trouve ses racines dans les premières mutuelles agricoles du XIXe siècle, créées par les agriculteurs eux-mêmes pour faire face collectivement aux risques. Ce système s’est progressivement structuré pour répondre aux besoins spécifiques du monde rural, marquant le début d’une approche solidaire face aux aléas.
Dans les années 1960, avec l’intensification de l’agriculture et l’augmentation des capitaux engagés, les premières polices d’assurance modernes dédiées au secteur agricole ont vu le jour. La Politique Agricole Commune (PAC) a joué un rôle déterminant dans cette évolution, en intégrant progressivement des mécanismes d’aide à l’assurance dans ses dispositifs.
La réforme majeure est intervenue en 2005 avec la mise en place du contrat multirisque climatique en France, sous l’impulsion du Ministère de l’Agriculture. Ce dispositif marquait une rupture avec le système antérieur du Fonds National de Garantie des Calamités Agricoles (FNGCA), en privilégiant une logique assurantielle plutôt qu’indemnisatrice.
Le cadre réglementaire actuel
Aujourd’hui, l’assurance multirisque agricole s’inscrit dans un cadre législatif précis, défini notamment par le Code rural et de la pêche maritime et le Code des assurances. La loi n°2023-54 du 2 février 2023 portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture a profondément modifié le paysage assurantiel agricole français.
Cette réforme instaure un système à trois étages :
- Un premier niveau de pertes assumé directement par l’exploitant agricole (franchise)
- Un deuxième niveau pris en charge par l’assurance privée, avec subvention publique des primes
- Un troisième niveau relevant de la solidarité nationale pour les risques catastrophiques
Ce dispositif s’accompagne d’un soutien financier significatif de l’État et de l’Union européenne, avec une subvention pouvant atteindre 70% du montant des primes d’assurance, selon les productions et les niveaux de garantie choisis.
La Commission européenne encadre strictement ces aides via le règlement n°1305/2013 relatif au développement rural, qui fixe les conditions d’éligibilité des contrats d’assurance aux subventions publiques. Cette réglementation impose notamment un seuil minimum de pertes de 20% de la production annuelle moyenne pour déclencher l’indemnisation.
L’évolution constante de ce cadre témoigne d’une prise de conscience croissante des pouvoirs publics face à la vulnérabilité du secteur agricole aux aléas climatiques. La récente réforme de 2023 marque une étape décisive dans la construction d’un modèle économiquement viable, associant responsabilisation des acteurs et solidarité collective.
Les garanties couvertes par l’assurance multirisque agricole
L’assurance multirisque agricole se distingue par l’étendue et la diversité des garanties qu’elle propose, permettant une protection adaptée aux spécificités de chaque exploitation. Cette couverture globale constitue sa valeur ajoutée principale par rapport aux assurances mono-risque traditionnelles.
Protection contre les aléas climatiques
Au cœur du dispositif, la garantie climatique couvre les dommages causés aux cultures par les phénomènes météorologiques. Sont généralement inclus :
- La grêle, risque historiquement assuré, qui peut détruire en quelques minutes une récolte entière
- Le gel, particulièrement redouté dans les secteurs viticole et arboricole
- La sécheresse, dont la fréquence s’accroît avec le changement climatique
- Les inondations et excès d’eau, qui compromettent tant les semis que les récoltes
- La tempête et les vents violents, susceptibles d’endommager les cultures et infrastructures
Ces garanties s’appliquent selon différentes modalités : indemnisation à l’hectare, au rendement, ou à la parcelle. Le contrat socle subventionné par l’État impose une franchise minimale de 20% pour les cultures et 30% pour les prairies.
Couverture des risques sanitaires et biologiques
L’assurance multirisque agricole intègre désormais les risques sanitaires, en complément des dispositifs publics d’indemnisation. Cette dimension couvre :
Les maladies végétales comme le mildiou pour la vigne ou la jaunisse pour la betterave, sous certaines conditions contractuelles. Les ravageurs (insectes, rongeurs) dont les dégâts peuvent anéantir une production. Les épizooties pour les élevages, avec des mécanismes spécifiques d’indemnisation en cas d’abattage sanitaire.
Ces garanties sont généralement conditionnées à la mise en œuvre de mesures préventives par l’exploitant, comme le respect des bonnes pratiques phytosanitaires ou des protocoles sanitaires en élevage.
Garanties liées aux bâtiments et équipements
Au-delà des cultures, l’assurance multirisque agricole protège le capital d’exploitation :
Les bâtiments agricoles (étables, hangars, serres) contre l’incendie, les dégâts des eaux ou les catastrophes naturelles. Le matériel agricole fixe et mobile (tracteurs, moissonneuses, systèmes d’irrigation). Les stocks (récoltes engrangées, semences, produits phytosanitaires, fourrages).
Ces garanties peuvent s’étendre à la valeur à neuf pour le remplacement des équipements endommagés, particulièrement précieuse face à l’inflation des coûts du matériel agricole.
Responsabilité civile et protection juridique
La dimension juridique n’est pas négligée, avec des garanties couvrant :
La responsabilité civile professionnelle de l’exploitant, en cas de dommages causés à des tiers (pollution accidentelle, divagation d’animaux). La protection juridique, offrant assistance et prise en charge des frais de procédure en cas de litige avec fournisseurs, clients ou administration. La défense pénale, particulièrement utile dans un contexte de judiciarisation croissante des questions environnementales et sanitaires.
L’assurance multirisque agricole moderne propose ainsi un bouclier complet contre les aléas, dépassant largement la simple indemnisation des pertes de récolte pour englober l’ensemble des risques inhérents à l’activité agricole. Cette approche holistique constitue un atout majeur pour la résilience des exploitations face à un environnement de plus en plus incertain.
Mécanismes de fonctionnement et calcul des indemnisations
Le fonctionnement de l’assurance multirisque agricole repose sur des mécanismes techniques sophistiqués, permettant d’adapter les couvertures aux réalités agronomiques et économiques de chaque exploitation. La compréhension de ces mécanismes est fondamentale pour optimiser sa protection.
Évaluation du risque et tarification
La tarification d’un contrat d’assurance multirisque agricole s’appuie sur une analyse approfondie des facteurs de risque propres à l’exploitation :
La localisation géographique, déterminante pour l’exposition aux aléas climatiques, avec des zonages de plus en plus précis grâce aux données météorologiques historiques. Les types de cultures pratiquées et leur sensibilité aux différents risques (une vigne étant par exemple particulièrement vulnérable au gel, contrairement aux céréales d’hiver). L’historique de sinistralité de l’exploitation sur les 5 à 10 dernières années, indicateur de sa vulnérabilité intrinsèque. Les pratiques agronomiques mises en œuvre, certaines techniques (irrigation, filets paragrêle, diversification) pouvant réduire significativement l’exposition aux risques.
Ces éléments alimentent des modèles actuariels de plus en plus perfectionnés, intégrant les données climatiques et agronomiques pour établir une prime reflétant le risque réel. La mutualisation s’opère ensuite à l’échelle du portefeuille d’assurés de la compagnie, permettant d’absorber les variations annuelles de sinistralité.
Détermination du capital assuré
Le capital assuré constitue la base du contrat et détermine le montant maximal d’indemnisation. Son calcul varie selon les productions :
Pour les cultures, il correspond généralement au produit du rendement historique (moyenne olympique sur 5 ans) par le prix unitaire fixé au contrat et la surface cultivée. Pour les bâtiments et équipements, il s’établit sur la base de leur valeur à neuf ou valeur d’usage selon l’option choisie. Pour les stocks, il reflète leur valeur maximale prévisible au cours de l’année, avec des variations saisonnières possibles.
La détermination précise de ce capital est cruciale : une sous-estimation entraînerait une indemnisation insuffisante en cas de sinistre, tandis qu’une surestimation générerait des surprimes inutiles. Les contrats à la récolte, de plus en plus répandus, permettent d’ajuster le capital assuré en fonction des rendements et prix réellement constatés, offrant ainsi une protection optimale.
Mécanismes d’indemnisation
L’indemnisation intervient selon des procédures rigoureuses :
La déclaration de sinistre doit être effectuée dans un délai contractuel, généralement de 5 jours ouvrés suivant la connaissance du dommage. L’expertise constitue une étape déterminante : l’expert agricole mandaté par l’assureur évalue les dommages selon des protocoles standardisés (comptages, pesées, analyses). Cette expertise peut être contradictoire, l’assuré pouvant se faire assister d’un expert de son choix. Le calcul de l’indemnité s’effectue en déduisant du montant des dommages la franchise contractuelle, qui peut être absolue (montant fixe) ou relative (pourcentage du capital assuré).
Pour les pertes de récolte, deux approches prévalent selon les contrats :
L’indemnisation à l’indice, où le montant est déterminé forfaitairement selon la gravité du sinistre mesurée par un indice météorologique (cumul de pluie, température minimale). L’indemnisation au rendement réel, plus précise mais nécessitant une expertise complète à la récolte pour déterminer la perte effective.
Les contrats multirisques climatiques subventionnés obéissent à des règles spécifiques, avec une indemnisation déclenchée uniquement si les pertes dépassent 20% du rendement historique, et calculée selon une formule fixée réglementairement.
Gestion des franchises et des plafonds
Les franchises jouent un rôle central dans l’équilibre économique du contrat :
La franchise absolue, exprimée en euros par hectare ou en pourcentage du capital, reste fixe quel que soit le montant du sinistre. La franchise relative s’applique uniquement si les dommages dépassent un certain seuil, au-delà duquel l’indemnisation devient intégrale. La franchise à rachat permet, moyennant une surprime, de réduire le montant restant à la charge de l’assuré.
Les contrats prévoient également des plafonds d’indemnisation, limitant l’engagement de l’assureur en cas de sinistre majeur. Ces plafonds peuvent s’appliquer par événement, par nature de risque ou par année d’assurance.
La maîtrise de ces mécanismes techniques permet à l’exploitant agricole d’optimiser sa couverture en fonction de sa capacité financière à absorber une partie des pertes (autogestion du risque) et de son besoin de sécurisation face aux aléas majeurs.
Stratégies d’optimisation de la couverture assurantielle pour les agriculteurs
Face à un environnement de plus en plus incertain, les exploitants agricoles doivent élaborer une stratégie assurantielle réfléchie, intégrant l’assurance multirisque agricole dans une approche globale de gestion des risques. Cette démarche stratégique repose sur plusieurs piliers complémentaires.
Analyse personnalisée des besoins et des risques
La première étape consiste à réaliser un diagnostic précis de la vulnérabilité de l’exploitation :
Identifier les risques prioritaires spécifiques à l’exploitation, en fonction de sa localisation, de ses productions et de son modèle économique. Une exploitation viticole en zone gélive n’a pas les mêmes besoins qu’une exploitation céréalière en zone sèche. Évaluer la capacité financière de l’exploitation à absorber des pertes, en analysant sa trésorerie, son endettement et ses marges. Cette analyse déterminera le niveau de franchise acceptable. Quantifier les conséquences potentielles d’un sinistre majeur sur l’équilibre économique de l’exploitation, en simulant différents scénarios de pertes.
Cette analyse peut s’appuyer sur des outils de diagnostic proposés par les assureurs, les Chambres d’agriculture ou des cabinets spécialisés. Elle doit être actualisée régulièrement pour tenir compte de l’évolution de l’exploitation et du contexte climatique.
Choix stratégique des garanties et des niveaux de couverture
Sur la base de ce diagnostic, l’exploitant peut construire une couverture sur mesure :
Privilégier la protection contre les risques à forte probabilité et fort impact, qui menacent directement la pérennité de l’exploitation. Ajuster les franchises en fonction de la capacité d’autoassurance : une franchise élevée réduit la prime mais suppose une capacité à absorber les sinistres modérés. Sélectionner les cultures à assurer en priorité, en fonction de leur contribution au revenu et de leur vulnérabilité. Pour certaines productions marginales ou peu sensibles, l’autoassurance peut être préférable.
Cette approche sélective permet d’optimiser le rapport coût/protection, en concentrant les moyens sur les risques véritablement critiques pour l’exploitation.
Combinaison avec d’autres outils de gestion des risques
L’assurance multirisque agricole s’inscrit dans une stratégie plus large de gestion des risques, combinant :
Les pratiques agronomiques résilientes : diversification des cultures, adaptation des variétés, techniques culturales limitant l’érosion et optimisant la réserve hydrique des sols. Les équipements préventifs : systèmes d’irrigation, filets paragrêle, tours antigel, qui réduisent significativement l’exposition aux aléas climatiques. Les instruments financiers complémentaires : fonds de réserve défiscalisé (Dotation pour Épargne de Précaution), contrats à terme pour sécuriser les prix, mutualisation au sein de coopératives.
Cette approche intégrée permet de réduire le coût global de la gestion des risques, certains assureurs accordant des réductions de prime pour les exploitations mettant en œuvre des mesures préventives efficaces.
Optimisation fiscale et financière
La dimension fiscale constitue un aspect non négligeable de la stratégie assurantielle :
Les primes d’assurance récolte sont déductibles du résultat fiscal de l’exploitation, générant une économie d’impôt proportionnelle au taux marginal d’imposition. Les subventions à l’assurance, versées dans le cadre de la PAC, peuvent couvrir jusqu’à 70% du coût des primes pour les contrats éligibles, rendant l’assurance particulièrement attractive. Le crédit d’impôt assurance récolte, instauré par la loi de finances 2023, offre un avantage fiscal supplémentaire pour les exploitations souscrivant une assurance multirisque.
Sur le plan financier, plusieurs approches peuvent être envisagées :
La mutualisation des contrats au sein d’un groupement d’agriculteurs peut permettre d’obtenir des conditions tarifaires plus avantageuses. Le paiement fractionné des primes, souvent proposé sans surcoût, améliore la gestion de trésorerie, particulièrement pour les exploitations aux revenus saisonniers. L’ajustement annuel des garanties en fonction des assolements et des cours des produits agricoles optimise la protection sans générer de surprimes inutiles.
Une stratégie assurantielle efficace repose ainsi sur une démarche personnalisée, combinant analyse des risques, sélection judicieuse des garanties et intégration dans un dispositif global de résilience de l’exploitation. Cette approche stratégique fait de l’assurance multirisque agricole non plus une simple charge, mais un véritable investissement dans la pérennité et la stabilité économique de l’exploitation agricole.
Perspectives d’évolution et innovations dans l’assurance agricole
Le secteur de l’assurance multirisque agricole connaît une transformation profonde, sous l’effet conjugué du changement climatique, des innovations technologiques et des évolutions réglementaires. Ces mutations dessinent les contours d’un modèle assurantiel renouvelé, plus réactif et mieux adapté aux défis du XXIe siècle.
Impact du changement climatique sur les modèles assurantiels
Le changement climatique bouleverse les fondements mêmes de l’assurance agricole :
L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes remet en question les modèles actuariels traditionnels, basés sur les données historiques. Les assureurs développent désormais des modèles prédictifs intégrant les projections climatiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). L’extension géographique de certains risques, comme la sécheresse qui touche désormais des régions autrefois épargnées, oblige à redessiner les zones tarifaires. La multiplication des risques émergents (nouvelles maladies des cultures, espèces invasives favorisées par le réchauffement) complexifie l’évaluation des expositions.
Face à ces défis, les assureurs agricoles adoptent plusieurs stratégies :
Le développement de partenariats avec la recherche agronomique et climatique pour affiner leurs modèles de risque. La mise en place de mécanismes de réassurance plus robustes, capables d’absorber des sinistres systémiques majeurs. L’évolution vers des contrats paramétriques ou indiciels, dont l’indemnisation est déclenchée automatiquement par le dépassement de seuils météorologiques prédéfinis, sans nécessiter d’expertise.
Cette adaptation constitue un enjeu existentiel pour le secteur, la pérennité du modèle assurantiel agricole dépendant de sa capacité à intégrer la nouvelle donne climatique.
Apport des technologies numériques et de la data science
La révolution numérique transforme profondément les pratiques de l’assurance agricole :
La télédétection satellitaire permet désormais un suivi précis de l’état des cultures, facilitant l’évaluation des dommages après sinistre et même la détection précoce des stress hydriques ou sanitaires. Les stations météorologiques connectées, déployées à l’échelle des exploitations, fournissent des données microclimatiques précieuses pour affiner l’évaluation des risques locaux. Les drones révolutionnent l’expertise après sinistre, permettant des relevés rapides et précis sur de grandes surfaces.
Ces technologies s’accompagnent d’innovations dans le traitement des données :
Les algorithmes d’intelligence artificielle analysent les images satellite pour évaluer automatiquement les surfaces endommagées après une grêle ou une inondation. Le big data permet de croiser données météorologiques, pédologiques et agronomiques pour une tarification ultra-personnalisée. Les blockchains sécurisent les contrats paramétriques et automatisent les indemnisations dès que les conditions objectives sont réunies.
Ces innovations réduisent les coûts de gestion, accélèrent les indemnisations et permettent une tarification plus équitable, basée sur le risque réel de chaque parcelle plutôt que sur des moyennes régionales.
Vers de nouveaux modèles de mutualisation et de partenariat
Au-delà des aspects techniques, l’assurance multirisque agricole évolue vers de nouveaux modèles organisationnels :
Le développement de pools de co-assurance entre compagnies permet de mutualiser les risques à plus grande échelle, condition nécessaire face à des sinistres climatiques potentiellement systémiques. Les partenariats public-privé se renforcent, avec un rôle croissant de l’État comme réassureur en dernier ressort pour les risques exceptionnels, comme l’illustre la réforme française de 2023. L’émergence d’assurances coopératives ou mutuelles spécialisées, créées par et pour les agriculteurs, favorise une meilleure adéquation des produits aux besoins réels du terrain.
On observe également l’expérimentation de modèles innovants :
Les assurances indicatives, où l’indemnisation est basée sur un indice objectif (pluviométrie, température) plutôt que sur l’évaluation directe des pertes, réduisant les coûts d’expertise et accélérant les règlements. Les contrats pluriannuels avec mécanismes de bonus-malus, encourageant les pratiques préventives et stabilisant la relation assureur-assuré dans la durée. Les assurances liées à la performance environnementale, proposant des tarifs préférentiels aux exploitations engagées dans des démarches agroécologiques réduisant leur vulnérabilité.
Intégration dans les politiques agricoles et environnementales
L’assurance multirisque agricole s’inscrit désormais pleinement dans les politiques publiques :
La nouvelle PAC 2023-2027 renforce son soutien aux dispositifs assurantiels, avec un budget accru pour les subventions aux primes d’assurance et l’encouragement de fonds de mutualisation. Les plans d’adaptation au changement climatique intègrent systématiquement un volet assurantiel, reconnaissant son rôle dans la résilience du secteur agricole. Les politiques de transition agroécologique s’appuient sur des mécanismes assurantiels innovants pour sécuriser les exploitations pendant leur phase de transformation des pratiques.
Cette intégration se manifeste par des initiatives concrètes :
Le développement d’assurances indicielles subventionnées dans plusieurs pays européens, avec des retours d’expérience prometteurs. L’expérimentation de mécanismes de garantie de revenu, combinant assurance production et protection contre les aléas de marché. La création d’observatoires des risques agricoles, mutualisant les données entre acteurs publics et privés pour améliorer la prévention et l’assurabilité.
Ces perspectives dessinent un avenir où l’assurance multirisque agricole ne se limitera plus à indemniser les pertes, mais deviendra un véritable outil d’accompagnement stratégique des exploitations agricoles dans leur adaptation aux défis climatiques et environnementaux. Cette évolution suppose une collaboration renforcée entre agriculteurs, assureurs, pouvoirs publics et recherche agronomique, pour construire des solutions à la hauteur des enjeux du XXIe siècle.
Vers une agriculture résiliente : l’assurance comme pilier de la durabilité
L’assurance multirisque agricole dépasse aujourd’hui sa fonction traditionnelle d’indemnisation pour devenir un levier stratégique de transformation du monde agricole. En sécurisant les exploitations face aux aléas, elle favorise l’innovation et l’adaptation, conditions indispensables à une agriculture durable et résiliente.
Contribution à la stabilité économique des exploitations
L’impact économique de l’assurance multirisque agricole se manifeste à plusieurs niveaux :
La stabilisation des revenus agricoles constitue son effet premier, en limitant les fluctuations liées aux aléas climatiques. Cette stabilité facilite la gestion de trésorerie et la planification des investissements. L’amélioration de la bancabilité des projets agricoles représente un avantage indirect majeur : les établissements financiers accordent plus facilement des prêts aux exploitations bien assurées, reconnaissant la réduction du risque de défaut. La préservation du capital d’exploitation en cas de sinistre permet d’éviter la décapitalisation forcée (vente d’actifs) et maintient la capacité productive à long terme.
Des études économiques menées par l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) démontrent que les exploitations assurées présentent une moindre volatilité de leurs résultats et une meilleure résilience face aux chocs. Cette stabilité favorise l’investissement productif et l’innovation, créant un cercle vertueux de développement.
Encouragement des pratiques agricoles durables
De façon croissante, l’assurance agricole devient un vecteur de transition vers des modèles plus durables :
Les contrats innovants proposent désormais des tarifs préférentiels pour les exploitations engagées dans des démarches agroécologiques (certification Haute Valeur Environnementale, agriculture biologique, agroforesterie). Cette différenciation tarifaire reconnaît la moindre vulnérabilité de ces systèmes diversifiés face à certains aléas. Les assureurs agricoles développent des programmes d’accompagnement technique, en partenariat avec des organismes de recherche, pour promouvoir les pratiques réduisant l’exposition aux risques climatiques : choix variétal, techniques culturales simplifiées, gestion optimisée de l’eau. La collecte et l’analyse des données de sinistralité permettent d’identifier les pratiques les plus résilientes et d’en favoriser la diffusion via des mécanismes assurantiels incitatifs.
Cette évolution transforme l’assurance multirisque agricole en un outil de pilotage de la transition agroécologique, alignant gestion des risques et durabilité environnementale.
Rôle dans la transmission et l’installation agricole
Face au défi du renouvellement des générations en agriculture, l’assurance joue un rôle croissant :
Pour les cédants, la valorisation d’une exploitation bien assurée est généralement supérieure, l’acquéreur reconnaissant la qualité de la gestion des risques. Pour les jeunes agriculteurs, l’assurance constitue un filet de sécurité indispensable dans les premières années d’installation, particulièrement vulnérables sur le plan financier. Certains assureurs proposent des formules spécifiques pour les nouveaux installés, avec des tarifs préférentiels et des garanties adaptées à leur situation particulière.
Les organismes d’accompagnement à l’installation (Chambres d’agriculture, Points Accueil Installation) intègrent désormais systématiquement un volet assurantiel dans leurs diagnostics préalables, reconnaissant son caractère stratégique pour la pérennité des projets.
Construction d’une résilience systémique pour l’agriculture de demain
Au-delà de l’échelle individuelle, l’assurance multirisque agricole participe à la construction d’une résilience systémique du secteur agricole :
En facilitant l’adaptation au changement climatique, elle contribue au maintien des capacités productives territoriales face à l’évolution des conditions pédoclimatiques. Par la mutualisation des risques à grande échelle, elle renforce la solidarité entre filières, régions et types d’exploitation, élément fondamental de la résilience collective. En générant des données précieuses sur les impacts des aléas et l’efficacité des mesures préventives, elle alimente la recherche agronomique et l’innovation.
Les travaux prospectifs menés par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) identifient le développement de systèmes assurantiels performants comme l’une des conditions majeures de la sécurité alimentaire mondiale face aux défis climatiques.
L’assurance multirisque agricole s’affirme ainsi comme un pilier de la durabilité agricole, non pas en maintenant artificiellement des systèmes vulnérables, mais en accompagnant leur nécessaire transformation vers plus de résilience. Cette vision renouvelée dépasse la logique purement compensatoire pour embrasser une approche systémique, où l’assurance devient un levier d’adaptation et d’innovation au service d’une agriculture économiquement viable, environnementalement responsable et socialement équitable.
En définitive, le développement de solutions assurantielles adaptées aux réalités du XXIe siècle constitue un enjeu stratégique majeur, tant pour les exploitants agricoles individuels que pour les politiques publiques visant à garantir la souveraineté alimentaire dans un contexte d’incertitude croissante.